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2021, Une année marquée par la tenue d’élections cruciales

  • Hugo De Baets
  • 10 janv. 2021
  • 10 min de lecture

Dernière mise à jour : 8 juin


Si l’on devait résumer l’année 2020 à un scrutin électoral étranger, nul doute que l’on mentionnerait les élections présidentielles américaines du 3 novembre; scrutin au scénario inédit dans l’histoire politique des États-Unis. À l’exception de quelques scrutins qui ont marqué les esprits pour leurs scénarios politiques et sociaux houleux, comme en Israël ou en Biélorussie, force est de constater que l’année 2020 reste sur un maigre bilan pour ce qui est des élections internationales à enjeux.

À l’aube de 2021, il convient aujourd’hui de se tourner vers le futur et de se pencher sur les scrutins électoraux qui se profilent pour les douze prochains mois. Or justement, le calendrier électoral étranger de 2021 est chargé et concentre, sur le papier, plusieurs scrutins apparaissants comme cruciaux à l’échelle de la géopolitique internationale. C’est pourquoi, je vous propose de revenir sur différents scrutins étrangers qui nous attendent en 2021 et de vous en donner les clés de lecture et les enjeux sous-jacents.



17 mars, Élections législatives néerlandaises : le second round pour les partis d’extrême-droite en Europe de l’Ouest ?


Au Printemps, les néerlandais se rendront aux urnes pour renouveler les membres de la Seconde Chambre des États généraux, chambre basse des Pays-Bas, pour un nouveau mandat de quatre ans. Pour une monarchie constitutionnelle comme les Pays-Bas, ces législatives redéfiniront donc le parti majoritaire au pouvoir et donc, in fine, le Premier Ministre et le gouvernement en place.


Il y a 4 ans lors des précédentes législatives néerlandaises, les Pays-Bas étaient le premier pays d’Europe de l’Ouest (en excluant le Brexit de l’équation) à ouvrir le second cycle électoral de la décennie 2010. Plusieurs mois avant les élections françaises (avril 2017) et allemandes (septembre 2017) et un an avant celles italiennes (mars 2018), les élections néerlandaises ont fait office de précurseur compte tenu du score record du Parti pour la liberté (PVV), formation d’extrême droite dirigée par Geert Wilders. Fort d’une campagne hostile à l’Union Européenne et évoquant les dangers du terrorisme islamiste et la crise migratoire en Europe, c’est alors une première historique pour le parti de Wilders qui, avec 13% des voix, devient le second parti des Pays-Bas.

Bien que le PVV n’ait pu accéder à la victoire en 2017, ce score record met un terme à la solide coalition du Premier ministre sortant de centrer-droit Mark Rutte qui, pour conserver la majorité se verra contraint à former une coalition avec différents partis libéraux minoritaires du centre.

Geert Wilders et Mark Rutte avant le débat télévisé des élections législatives, 13 mars 2017


En mars 2021, toujours avant ses partenaires de l’Europe de l’Ouest, les néerlandais seront encore les premiers à entamer un nouveau cycle électoral. Après leurs échecs il y’a quatre ou cinq ans aux Pays-Bas, en France, en Allemagne, en Espagne et même (après soubresauts) en Italie et à l’heure où la crise de la Covid-19 n’a pas épargné le Vieux-Continent, les partis d’extrême-droite se dirigent vers un second round en Europe de l’Ouest. Une chose est sûre, les élections législatives néerlandaises sauront donner la tendance et constituent la première marche à franchir pour les partis d’extrême-droite dans leur revanche politique en Europe de l’Ouest.

Alors que l’euro-scepticisme des néerlandais fut exalté lorsque leur pays a été taxé « d’État frugal » [1] par plusieurs dirigeants européens à l’occasion du vote sur le plan de relance européen et que le PVV de Geert Wilders est actuellement crédité de 25%[2] d’opinions de vote dans les sondages, le comportement électoral des néerlandais s’avère d’autant plus intéressant à analyser.


23 mars, Élections législatives israéliennes : dernière chance pour Netanyahou ?

À peine une semaine plus tard ce seront les israéliens qui se rendront aux urnes, pour la quatrième fois en moins de deux ans ! Il s’agira d’élections législatives visant à renouveler pour un mandat de quatre ans les 120 membres de la Knesset, unique chambre du système politique israélien, et donc in fine redéfinir un gouvernement israélien. Ces élections ont été convoquées le 22 décembre 2020 lorsque la Knesset a été dissoute à 00h faute d’un accord sur le budget israélien entre les deux partis actuellement au pouvoir : le Likoud du Premier ministre Benjamin Netanyahou et la formation Bleu Blanc de l’ancien chef d’État-major Benny Gantz.


Depuis les élections législatives d’avril 2019 voyant le parti de droite nationaliste sioniste au pouvoir le Likoud (35 sièges) être talonné au score par la formation de centre-gauche Bleu Blanc (35 sièges), Israël est en proie à une grave crise démocratique. Sans victoire claire et ne pouvant compter solidement sur ses alliés de droite pour former une coalition au gouvernement, le Premier ministre Netanyahou décide de reconvoquer des élections. Celles ci, en septembre 2019, revoient le Likoud (32 sièges) se faire talonner par la formation Bleu Blanc (33 sièges).

C’est pourquoi, en mars 2020, des élections sont à nouveau organisées de manière anticipée pour tenter de mettre un terme au blocage politique israélien. Les élections ne conduisent qu'à une inversion des résultats des deux principaux partis, sans qu'aucun que le Likoud (36 sièges) ou la formation Bleu Blanc (33 sièges) ne décrochent, avec ses alliés, la majorité nécessaire. Se présentant pourtant depuis sa récente entrée en politique comme le novice souhaitant clore les années Netanyahou, le rival Gantz se résout à nouer une coalition avec Netanyahou pour former un gouvernement d’union nationale capable de mettre un terme à plus d’un an d’impasse politique. Formé en pleine crise sanitaire, ce gouvernement d’union d’urgence prévoyait notamment une rotation pour le poste de Premier ministre durant les quatre ans du mandat et l’adoption d’un budget unique pour les années 2020 et 2021.


Benyamin Nétanyahou après une déclaration à la Knesset à Jérusalem, le 22 décembre, YONATAN SINDEL


Cependant au terme de moins d’un an de coopération, le Likoud et la formation Bleu Blanc ne sont finalement pas parvenus à se mettre d’accord sur le budget. Après cette courte trêve politique, on assiste donc à un retour des rivalités sur la scène politique israélienne. Au vu des trois précédents scrutins et de l’ultime tentative qu’a constitué ce gouvernement d’union d’urgence, cet énième fait scrutin fait alors office de dernière chance pour Netanyahou. Pactisant avec le Likoud au printemps, Gantz a jeté le discrédit sur sa personne et sa formation, à tel point que la formation Bleu Blanc est aujourd’hui crédité de la sixième voire de la septième place dans les sondages[3]. Pourtant, ce déclin de l’opposition ne signifie pas l’existence d’un boulevard politique pour le Premier ministre Netanyahou.

En mai 2020, un procès pour corruption a été ouvert concernant le Premier ministre. C’est la première fois en Israël qu’un chef de gouvernement en exercice est confronté à des accusations criminelles. Après deux ajournements, Benjamin Netanyahou devrait comparaître devant la justice en ce début d’année 2021[4] .

Déboires juridiques qui fracturent la famille politique de l’actuel Premier ministre. Son ancien ministre de l’Intérieur Gideon Saar a annoncé en décembre 2020 la création de sa propre formation, Tikva Hadasha, qui est déjà créditée de la seconde place selon les sondages. Toujours à droite de l’échiquier politique israélien, la formation de droite radicale Yamina de l’ancien ministre (notamment de l’Éducation et de la Défense) Naftali Bennett monte et est actuellement créditée de la troisième place dans de récents sondages.

Face au marasme politique, à la crise sanitaire et aux scandales judiciaires qui touchent le Likoud, la division de la droite israélienne risque de grignoter des voix clés à Benjamin Netanyahou qui pourrait se retrouver sans suffisamment de partenaires pour se maintenir au pouvoir après cet énième scrutin qui apparait comme celui de la dernière chance pour le Premier ministre actuel.



18 juin, Élections présidentielles iraniennes : le réel tournant pour les futures relations États-Unis/Iran ?

Plus tard dans l’année se tiendront d’autres élections clés pour le futur du Moyen-Orient, et plus largement du concert des nations, qui verront l’élection du président de la République islamique d’Iran au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour un mandat de quatre ans. En dehors du Guide Suprême, plus haut personnage du pouvoir politique iranien, le président de la République demeure chef du pouvoir exécutif et détient d’importantes prérogatives sur la politique iranienne, à l’exception des corps militaires, judiciaires et culturels. Loin d’être un rôle fantoche, le président de la République islamique d’Iran est un personnage important et son élection compte à l’échelle de l’Iran et du monde.


D’autant plus qu’à l’occasion de ce scrutin, et pour des raisons constitutionnelles, le président sortant Hassan Rohani, élu en 2013 et réélu en 2017, n’a pas le droit de se représenter. Conservateur modéré supporté par bon nombre de réformistes, Rohani avait été l’un des principaux artisans de l’ouverture de l’Iran au reste du monde, notamment dans le cadre de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien de 2015. Cependant à l’heure où le président Donald Trump a fait le choix unilatéral de se retirer du dit accord et où la situation économique de l’Iran s’est lourdement aggravée, la donne politique a changé en Iran. À un sentiment de deception a succédé un sentiment de trahison qui marginalise aujourd’hui de manière importante les politiques modérés et réformateurs, Rohani en tête. La ligne politique modérée ne séduit plus ni les cadres de la République, ni la société civile iranienne.

C’est pourquoi le scrutin de juin 2021 présage une victoire des conservateurs, liés aux Gardiens de la Révolution, prônant une ligne dure sur la politique étrangère iranienne. Déjà en 2020, les élections législatives ont consacré une large victoire de différents mouvements conservateurs[5] . Aujourd’hui les favoris à l’élection sont eux aussi considérés comme des conservateurs radicaux, l’actuel chef du Parlement Mohammed Ghalibaf ou bien son prédécesseur Ali Larijani par exemple.



Mohammad Bagher Ghalibaf, Président de l'Assemblée consultative islamique lors d'une session du 1 juillet 2020


Si Joe Biden a clairement exprimé sa volonté de revenir sur la politique menée par son prédécesseur en renouant le contact avec l’Iran et plus en largement en replaçant les États-Unis dans l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, on n’évoque que trop peu les volontés du côté iranien. Or, si les élections présidentielles iraniennes portent une classe politique conservatrice radicale et hostile aux États-Unis, qu’en sera t-il du futur des relations irano-étatsuniennes ? L’élection d’une frange conservatrice radicale a la tête du pays raviverait le risque que constitue le nucléaire iranien[6] , une hypothèse inacceptable pour Israël et pour ses nouveaux alliés du Golfe : les monarchies sunnites. Dès lors on comprend que, plus que l’élection de Joe Biden à la Maison Blanche, les élections présidentielles iraniennes peuvent être le réel tournant décisif pour le futur des relations entre les Etats-Unis et l’Iran et pour la politique régionale américaine au Moyen-Orient.


26 septembre, Élections fédérales allemandes : le défi de l’après Merkel


Enfin bien plus tard dans l’année, à l’automne, se tiendront les élections fédérales allemandes. Ces élections verront le renouvellement pour quatre ans des 598 députés siégeant au Bundestag grâce à la loi électorale et, in fine, définit le nouveau chancelier fédéral allemand qui n’est d’autre que le chef du gouvernement.


Au pouvoir depuis 2005, la chancelière sortante Angela Merkel (66 ans) a annoncé dès 2018 qu’elle ne se représenterai pas à ce scrutin. Alors, après plus de quinze ans au pouvoir et d’une politique globalement louée par ses électeurs, on comprend l’importance du scrutin allemand de 2021. Qui pour succéder à Angela Merkel ?

Louée pour sa bonne gestion de la crise sanitaire et jouissant toujours d’un fort crédit populaire, la chancelière Angela Merkel laisse derrière elle un boulevard à son parti le CDU et son traditionnel allié régional le CSU. Actuellement, le parti trône largement en tête dans les sondages à plus de 36% d’opinions favorables[7] . Après trois ans de partenariats avec les socio-démocrates dans le cadre de la « grande coalition », les démocrates-chrétiens se divisent aujourd’hui sur la ligne à suivre entre un courant centriste de la continuité ou un virage à droite.

À cette crise d’identité s’ajoute une crise de leadership. Qui pour succéder à l’irremplaçable Angela Merkel ? Aujourd’hui quatre noms ressortent avec insistance : Armin Laschet, président de la Rhénanie du nord-Westphalie, Friedrich Merz, un adversaire historique d’Angela Merkel au sein du CDU/CSU, Markus Söder, président de la Bavière et du CSU, et Norbert Röttgen, un expert en politique étrangère et ancien ministre de l’Environnement. Ce sera dès mi-janvier et durant le Printemps que le CDU devra trouver réponse à sa crise d’identité et, en choisissant son futur leader, définir la ligne politique avec laquelle qu’il souhaite se présenter pour les élections fédérales et qu’il souhaite défendre lors de l’après-Merkel.


Du côté de l’opposition les sociaux-démocrates (SPD), actuels partenaires minoritaires de la coalition au pouvoir, n’arrivent pas à décoller. Depuis les dernières législatives et la création de la « grande coalition », le parti est miné par une importante crise de leadership. Leur candidat à la chancellerie, l’actuel ministre des Finances Olaf Scholz est partisan d’une ligne modérée qui ne fait pas l’unanimité en ce qu’elle se confond avec la ligne des partis de droite classique les CDU/CSU. À l’autre bord de l’échiquier politique le parti d’extrême-droite AfD, toutefois crédité d’un score autour de 10 % dans les sondages, ne saurait être une menace; le parti étant marginalisé et ne se verra très certainement pas proposer d’offres de coalition par les autres partis du paysage politique allemand. Finalement les gagnants de ce marasme politique pourraient être les écologistes, devenus incontournables dans le paysage politique allemand avec une présence dans les gouvernements de 11 Länder sur 16. Profitant d’un appel d’air, et selon leur score à l’issue du scrutin, le parti écologiste pourrait ainsi espérer jouer un rôle clé dans une future éventuelle coalition au pouvoir aux côtés du CDU/CSU.


Bureau de vote à Berlin lors des élections générales du 24 septembre 2017, TOBIAS SCHWARZ


En pèle-mêle : des élections importantes en angle-mort ?


Au second plan de ces scrutins à enjeux, nous pouvons toutefois mentionner certaines élections paraissant moins clés mais dont l’analyse et l’issue demeurent tout de même intéressantes à apprécier.


Mentionnons les élections générales programmées pour le 11 avril au Pérou qui verront l’élection pour cinq ans à la fois du futur président de la République du Pérou mais aussi des 130 députés du Congrès péruvien. Ce scrutin présidentiel et législatif fait suite, et est espéré comme la résolution, à la grave crise politique qui touche le Pérou depuis le scrutin contesté des législatives du 26 janvier 2020.


Plus tard dans l’année, le 22 octobre, ce sont les japonais qui se rendront aux urnes dans le cadre d’élections législatives. Si le parti de droite au pouvoir, le Parti libéral-démocrate (PLD), est donné grand favori, la question prédominante est celle du leader qui endossera l’étiquette du parti. Fin août Shinzo Abe, Premier ministre élu depuis 2012 annonce sa démission pour raisons de santé. Son successeur et actuel Premier ministre, Yoshihide Suga, ne faisant pas l’unanimité au sein de son parti et son leadership étant remis en cause en interne, rien n’indique qu’il sera le candidat officiel du PLD en octobre.


Enfin, également en octobre, auront lieu les premières élections législatives de l’histoire du Qatar. Ces élections permettront à tout citoyen qatari majeur, homme ou femme, de voter pour les membres du Conseil de la Choura, organe central présent dans bon nombre de pays musulmans, aux pouvoirs législatifs, budgétaires et culturels. Néanmoins, compte tenu de l’absence de partis au sein du pays, l’ensemble des candidats se présenteront sans étiquette. Progrès de la démocratie ou libéralisation de façade ? Il n’en demeure pas moins que la première historique de ce scrutin justifie son intérêt.


[1] Berrod, N. Vernet, H. (2020, 20 juillet). «Radins» ou «économes» ? Cinq questions sur ces Etats «frugaux» au coeur de la relance européenne. Le Parisien https://www.leparisien.fr/international/radins-ou-economes-cinq-questions-sur-ces-etats-frugaux-au-coeur-de-la-relance-europeenne-20-07-2020-8355669.php


[2] Hond, M. (2021, 3 janvier). De Stemming van 3-1-2021. Peil.nl. https://www.maurice.nl/peilingen/2021/01/03/de-stemming-van-3-1-2021/


[3] סגל, ע. (5, 2021 janvier). סקר חדשות 12 : בנט מזנק ללא סמוטריץ’, חולדאי בירידה. N12. https://www.mako.co.il/news-israel-elections/2021_q1/Article-af506066da3d671027



[4] (2020, 19 juillet). Procès de Netanyahu : les auditions de témoins démarreront en janvier 2021. France 24. https://www.france24.com/fr/20200719-israel-manifestations-contestation-contre-netanyahu-corruption-gestion-coronavirus-reprise-proces


[5] Kaval, A. (2020, 21 février). Législatives en Iran : vers une victoire des conservateurs. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/international/article/2020/02/20/iran-vers-une-victoire-des-conservateurs-aux-elections-legislatives_6030209_3210.html

[6] Hasi, P. (2021, 5 janvier). L’Iran reprend l’enrichissement d’uranium : avant de négocier avec Biden ? France Inter. https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-05-janvier-2021

[7] Sonntagsfrage – INSA (Wahlumfragen zur Bundestagswahl). (2021). Wahlrecht.de. https://www.wahlrecht.de/umfragen/insa.htm



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