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Peut-on envisager une escalade des tensions entre Washington et Pyongyang ?

  • Marie-Sophie Bournot
  • 15 avr. 2021
  • 8 min de lecture

Dernière mise à jour : 8 juin



Le 25 mars dernier, deux missiles nord-coréens ont été tirés,atterrissant en mer du Japon. Cet acte constitue une violation de la résolution 2397 du Conseil de Sécurité de l’ONU datant de 2017. Depuis le début de l’année 2020, Pyongyang tourne le dos à Washington et montre sa détermination quant à la maitrise de l’arme nucléaire. Ainsi, le régime autoritaire a cessé tout contact avec Washington ces derniers mois, allant même jusqu’à renoncer ce lundi 6 avril, à participer aux Jeux Olympiques de Tokyo, repoussant l’idée d’une rencontre avec son voisin sud-coréen et Washington.

Une chaîne d'information diffuse informe la population des tirs de missiles balistiques nord-coréens, le 25 mars 2021. PHOTO / CHUNG-Sung-Jun / Getty images Asiapac / AFP


Retour sur la relation Kim Jong-un– Donald Trump

La Corée du Nord et les États-Unis sont des adversaires de longue date et l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche n’a pas arrangé les choses bien qu’à la fin, cette relation ait été surnommée de « bromance » par les journalistes du monde entier. En effet, un an après le début du mandat du président américain, les deux chefs d’État commencent une escalade verbale. On retiendra particulièrement le surnom donné au chef nord-coréen, Kim Jong-Un, de la part de Trump : « little rocket man ». Ces propos se trouvent être les conséquences des essais nucléaires et balistiques qui menaçaient l’île de Guam et les proclamations du régime autoritaire affirmant détenir la bombe H. De plus, en novembre 2017, la République populaire démocratique de Corée annonce être capable de frapper l’intégralité du continent américain. Ces tensions n’étaient pas à prendre à la légère. Le journaliste Bob Woodward a notamment écrit dans son livre Rage (2020), « le peuple américain n’a pas su à quel point la situation entre juillet et septembre 2017 a été dangereuse [1] ». En effet, pendant cette période un affrontement militaire entre les deux puissances nucléaires a bien failli avoir lieu. « Oui, nous étions très près, bien plus près que les gens ne l’ont cru », se confit Donald Trump à Bob Woodward. En septembre 2017, des bombardiers américains ont survolé les côtes nord-coréennes et durant cette même période, Nikki Haley, l’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, a averti la Chine que la puissance occidentale pourrait prochainement envahir la Corée du Nord. Ces éléments montrent la détermination certaine de la présidence Trump sur la question nord-coréenne. Cependant, les tensions se sont calmées durant une rencontre historique en 2018 à Singapour entre un chef nord- coréen et un président américain en fonction. Ce sommet a été cependant bénéfique pour la Corée du Nord puisque selon Antoine Bondaz, spécialiste des deux Corées, cette rencontre a permis de lui donner une « légitimité politique » et cela a ouvert « la voie à une reconnaissance officielle [2] ». Cette rencontre s’est notamment terminée par une signature en quatre points. Tout d’abord, les deux pays s’engagent à établir de nouvelles relations conformément au désir de paix et de prospérité des peuples des deux pays. Le dirigeant suprême Kim a également réaffirmé son « engagement ferme et indéfectible à une dénucléarisation complète de la péninsule coréenne » présent dans l’accord du 27 avril 2018 [3] , sans pour autant qu’elle soit vérifiable et irréversible. Ensuite, les prisonniers de guerre ainsi que les disparus au combat seront rapatriés ainsi que ceux déjà identifiés. Enfin, les États-Unis s’engagent à « fournir des garanties de sécurité » à la Corée du Nord et les deux nations uniront leurs effortspour bâtir une paix durableet stable au sein de la péninsule coréenne [4]. Les deux leaders n’ont cependant, pas réussi à atteindre leurs objectifs : pour les États-Unis la dénucléarisation de la Corée du Nord et pour Kim Jong-Un, la levée des sanctions américaines ainsi que le respect international [5]. Depuis le 1er janvier 2020, les tensions semblent cependant se raviver entre les deux nations lorsque le dirigeant nord-coréen a annoncé la fin d’un moratoire sur les essais nucléaires et balistiques ainsi que la prévision de représailles « sidérantes [6] ». Cela signe donc l’échec de la stratégie nord-coréenne de Donald Trump.




Donald Trump et Kim Jong-Un, durant leur première rencontre à l'Hôtel Capella sur l'île de Sentosa à Singapour, le 12 juin 2018.




Odeur de poudre et missiles nord-coréens

L’année 2021 est celledu changement de présidence aux États-Unis et représente un défi pour la Corée du Nord. Ne souhaitant plus jouer la carte de la diplomatie, Kim Jong-Un appelle à un renforcement des capacités militaires de son pays à quelques jours de l’investiture du 47e président américain, Joe Biden. Par le biais du vice-ministre des affaires étrangères, Choe Son Hui, Pyongyang refuse actuellement toute tentative de dialogue avec Washington tant qu’elle ne change pas de politique [7]. Depuis 2019, le leader Kim a clairement montré son hostilité face au candidat démocrate devenu président, le traitant de « faible QI », puis de « chien enragé ». Ces propos viennent après un discours de Biden abordant la diplomatie de Trump face à la Russie et à la Corée du Nord, l’accusant d’avoir embrassé « des tyrans comme Poutine et Kim Jong Un » et d’avoir fait leurs éloges [8]. Kim Yo- Jong, la sœur du leader nord-coréen a elle aussi fait passer un message explicite au nouveau gouvernement américain.

« Un conseil à la nouvelle administration américaine qui tente de répandre une odeur depoudre sur notre pays. [] Si vous voulez dormir tranquille pendant les quatre ans à venir, vous feriez bien de ne rien entreprendre qui vous fasse perdre le sommeil[9]. » - Kim Yo-Jon, porte-parole nord-coréenne. En visite à Tokyo pour son premier déplacement à l’étranger, le nouveau Secrétaire d’État américain, Antony Blinken, n’a pas relevé les déclarations du porte-parole privilégiéde Kim Jong-Un. « Nous examinons si diverses mesures de pression supplémentaires pourraient être efficaces, si des voies diplomatiques ont un sens ». Il déclare également que « pour l’avenir, nous partageons la même détermination à relever le défi posé par la Corée du Nord, notammenten ce qui concerne ses programmes de missiles nucléaires et, bien entendu, ses violations des droits de l’homme [10] ». La menace nord-coréenne est néanmoins, montée d’un cran le 25 mars dernier lorsque la Corée du Nord a testé des missiles balistiques dans la mer du Japon. Le Premier ministre japonais a rapidement réagien dénonçant cette provocation, « cela constitue une menace pour notre pays et pour la sécurité de la région. C’est aussi une violation de la résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU. Nous protestons fermement et condamnons ces actes [11] ». Quelques jours plus tôt, la Corée du Nord avait lancé deux missiles à courte portée peu après la visite à Séoul d’Anthony Blinken. Cependant ces essais étaient classés « dans la catégorie des activités militaire normales du Nord [12] » et n’ont pas été sanctionnés. Il s’agissait du premier tir de projectiles nord-coréen depuis l’investiture du président Biden. Ce dernier avait pourtant minimisé leur importance en déclarant que « selon le Département de la Défense, c’est quelque chose d’ordinaire [13] ». La raison de ces tirs de missiles balistiques fin mars dernier fait suite aux intentions d’Anthony Blinken concernant la dénucléarisation complète nord-coréenne, mentionnées durant sa visite à Séoul. Selon Yoo Ho-Yeol, professeur d'études nord-coréennes à l'Université de Corée, cette provocation de la part de Pyongyang est un message destiné à Washington, un moyen de pression, pour relancer les discussions sur le nucléaire [14]. Le gouvernement américain pourrait envisager une approche diplomatique avec la Corée du Nord. Toutefois, selon les responsables américains, l’administration Biden a tenté de contacter le gouvernement nord-coréen, sans succès. Le président a néanmoins annoncé que les États-Unis riposteraient « en conséquence », en cas « d’escalade » de la Corée du Nord [15].



Joe Biden, 47e président des Etats-Unis et Kim Jong-Un,dirigeant suprême de Corée du Nord. AdolfoArranz.

Les Jeux olympiques 2021 ou une occasion manquée


La communication entre les deux pays s’avère d’autant plus complexe puisque le régime autoritaire a déclaré, le 6 avril dernier, ne pas participer aux Jeux olympiques de Tokyo cet été. En effet, le comité national olympique nord-coréen « a décidé de ne pas participer aux 32e Jeux olympiques afin de protéger les athlètes de la crise sanitaire mondiale causée par le Covid-19 [16] », a déclaré, dans un communiqué, le ministère des Sports nord-coréen. Le président Moon Jae-In s’était exprimé le 1er mars dernier sur ces intentions quant aux prochains Jeux olympiques. Ils pourraient, selon lui, « être une opportunité pour des dialogues entre la Corée du Sud et le Japon, le Nord et le Sud, la Corée du Nord et le Japon, et la Corée du Nord et les Etats-Unis [17] ». Cependant, Séoul espérait un nouveau rapprochement diplomatique comme lors des derniers JO d’hiver en 2018 à Pyeongchang, en Corée du Sud. En effet, le président sud-coréen Moon Jae-In avait réussi à entreprendre une médiation entre Pyongyang et Washington qui avait abouti aux sommets historiques comme celui de Singapour, précédemment cité. Depuis l’échec du sommet Kim-Trump à Hanoï en février 2019, les discussions entre les deux nations étaient à l’arrêt. La Corée du Nord annonce donc une nouvelle stratégie plus agressive face au gouvernement Biden. Face à cette montée en pression de la part de la dictature totalitaire, la balle est maintenant dans le camp du nouveau résident de la Maison Blanche.



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[1] Jauvert, V. (2020, 15 septembre). « Nous étions très près d’une guerre » avec la Corée du Nord (et c’estTrump qui le dit). L’Obs. https://www.nouvelobs.com/monde/20200915.OBS33350/nous-etions-tres-pres-d-une-guerre-avec-la- coree-du-nord-et-c-est-trump-qui-le-dit.html (consulté le 07 avril 2021) [2] Boy, L. (2018, 9 mars). Corée du Nord : pourquoiKim Jong-un et Donald Trump ont acceptéde participer à une rencontre historique. Franceinfo. https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/coree-du-nord-pourquoi-kim- jong-un-et-donald-trump-ont-accepte-de-participer-a-une-rencontre-historique_2648156.html (consulté le 07 avril 2021) [3] Déclaration du 27 avril 2018 pour la paix, la prospérité et la réunification de la péninsule coréenne. [4] Rosenfeld, E. (2018, 12 juin). Trump says North Korea will keep its promises, and the US will stop war games. CNBC. https://www.cnbc.com/2018/06/12/trump-and-kim-sign-agreement-document- after-summit-in-singapore.html (consulté le 07 avril 2021) [5] Hanne, I. (2019, 26 février). Entre Corée du Nord et Etats-Unis, la diplomatie de la bromance. Libération. https://www.liberation.fr/planete/2019/02/26/entre-coree-du-nord-et-etats-unis-la- diplomatie-de-la-bromance_1711796/ (consulté le 07 avril 2021) [6] Lagneau, L. (2020, 2 janvier).La Corée du Nord met fin à son moratoire sur les essais nucléaires. Zone Militaire. http://www.opex360.com/2020/01/02/la-coree-du-nord-met-fin-a-son-moratoire-sur- les-essais-nucleaires/ (consulté 12 avril 2021) [7]Les Echos. (2021,18 mars). La Corée du Nord rejette la tentative de dialogue des Etats-Unis. Les Echos. https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/la-coree-du-nord-rejette-la-tentative-de- dialogue-des-etats-unis-1299344 (consulté le 07 avril2021) [8] Vidéo - Pour Pyongyang, Joe Biden est « un chien enragé » qu’il faut « battre à mort ». (2019,15 novembre). Le Point. https://www.lepoint.fr/video/pour-pyongyang-joe-biden-est-un-chien-enrage- qu-il-faut-battre-a-mort-15-11-2019-2347542_738.php (consulté le 08 avril2021) [9] D’Alançon, F. (2021, 16 mars). Corée du Nord - États-Unis : Pyongyang joue la confrontation. La Croix. https://www.la-croix.com/Monde/Coree-Nord-Etats-Unis-Pyongyang-joue-confrontation- 2021-03-16-1201145926 (consulté le 07 avril 2021) [10] Ibid. [11] France 24. (2021,25 mars). La Corée du Nord a lancé deux missiles dans la mer du Japon.https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20210325-tokyo-affirme-que-la-cor%C3%A9e-du-nord-a- lanc%C3%A9-deux-missiles-balistiques (consulté le 07 avril 2021) [12] Véronique, P. (2021, 8 avril). Corée du Nord : trois questions sur les tirs de deux missiles balistiques. LExpress.fr. https://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/coree-du-nord-trois-questions- sur-les-tirs-de-deux-missiles-balistiques_2147566.html (consulté le 08 avril 2021) [13] France 24. (2021,25 mars). La Corée du Nord a lancé deux missiles dans la mer du Japon.https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20210325-tokyo-affirme-que-la-cor%C3%A9e-du-nord-a- lanc%C3%A9-deux-missiles-balistiques (consulté le 07 avril 2021) [14] Ibid. [15] Le Figaro & AFP. (2021, 7 avril). Nucléaire : Washington pourrait envisager une approche «diplomatique » avec la Corée du Nord. LEFIGARO. https://www.lefigaro.fr/flash-actu/nucleaire- washington-pourrait-envisager-une-approche-diplomatique-avec-la-coree-du-nord-20210407 (consulté le 08 avril 2021)

[16] Francetv sport.(2021, 4 juin).La Corée du Nord ne participera pas aux Jeux olympiques de Tokyo. https://sport.francetvinfo.fr/les-jeux-olympiques/la-coree-du-nord-ne-participera-pas-aux-jeux- olympiques-de-tokyo (consulté le 07 avril 2021)

[17] Ibid.


Photo 1 : La Corée du Nord relance la politique du missile. (2021, 25 mars). Courrier international. https://www.courrierinternational.com/article/test-la-coree-du-nord-relance-la-politique-du- missile

Photo 2 : Song, C.-S. (2019, 7 novembre). Kim-Trump. Deuxième rencontre : il faut des résultats. Courrier international. https://www.courrierinternational.com/article/kim-trump-deuxieme- rencontre-il-faut-des-resultats

Photo 3 : Fromer, J. (2020, 25 novembre). Kim Jong-un and North Korea’s nuclear arsenaladd to Joe Biden’s list of presidential challenges. South China Morning Post. https://www.scmp.com/news/china/article/3110563/kim-jong-un-and-north-koreas-nuclear- arsenal-add-joe-bidens-list

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