Conférence sur la Chine 2100 : Renaissance ou déclin d'une civilisation ?
- AMRI
- 3 nov. 2021
- 14 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 juin
Cette conférence a été organisée par Monsieur Eric Mottet - professeur chercheur enseignant à l’Université Catholique de Lille et chercheur de l’IRIS, spécialiste de l’Asie - et présentée par Monsieur Guillaume Giroir chercheur enseignant à l’Université d’Orléans et directeur de l’Institut Confucius d’Orléans -. Cette conférence intitulée « Chine 2100 : Renaissance ou déclin d’une civilisation ? » Vient s’intéresser à l’évolution de la Chine dans notre monde contemporain, et tenter d’imaginer l’évolution future de sa position dans le monde à travers divers prismes.
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Si le « cycle de vie des civilisations » était une réalité dans la Chine ancienne selon A. Torgowski, ce modèle, bien qu’il soit plutôt théorique aujourd’hui, ne semble pas tout à fait obsolète. En effet, dans le cycle de vie des civilisations, trois phases peuvent être observées : une émergence, une croissance et enfin une chute. Aujourd’hui, le modèle de cycles peut être transposé à chaque dynastie chinoise, particulièrement si la Chine communiste est elle-même considérée comme une dynastie. Ainsi, il y aura la naissance, la croissance (ascendance) puis la mort (descendance) de ce cycle instauré en 1949.
Depuis 1949, la Chine connait un cycle ascendant, plus fortement marqué dès 1978 avec les « 40 glorieuses » sur tous les plans. Son célèbre slogan « Zhongguo meng » 中国夢, traduit « rêve chinois » ou « mon rêve de Chine », est le mot d’ordre du Parti communiste chinois depuis l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping en 2013. Ce slogan renforce alors l’inlassable quête de puissance à laquelle aspire la Chine, une quête développée à la fois dans sa politique étrangère mais également à l’intérieur du pays, où les intérêts chinois priment.
Cependant, depuis 2020, des tendances plutôt négatives sont prévisibles à moyen-long terme. Aussi, les autorités ont conscience du changement de contexte avec notamment la mise en lumière de défis supplémentaires. Qu’ils soient environnementaux, démographiques, politiques ou économiques, la Chine est objectivement engagée dans un cycle descendant après sa fulgurante ascendance. Une transition de cycle se met en place, des défis intérieurs comme extérieurs sont mis en exergue et justifient le sous-titre de « renaissance ou de déclin » de cette conférence.
I. La Chine entre cycle ascendant et cycle descendant
D’un point de vue extérieur, la Chine engage de grands travaux et recourt par exemple aux méga-barrages. De même, elle tente aussi de contrôler la nature en mettant en place une techno-écologie avec des pluies artificielles. Cet exceptionnalisme chinois marque une efficacité remarquable. En se référant à l’histoire de la Chine, tout parait possible, comme le montre le mythe de Yugong, un vieil homme qui souhaitait déplacer deux montages.
Sur le plan idéologique, la commémoration du centenaire du PCC (1921-2021) a été lourde de sens et met encore une fois en avant le déclin de l’Ouest au profit de l’Est, le nouveau leitmotiv de propagande officielle. Malgré une Chine politiquement critiquée, celle-ci a confiance en sa « démocratie chinoise », un slogan qui lui permet de neutraliser toute forme d’attaque alors que les pays démocratiques occidentaux décrivent le régime chinois comme anti-démocratique. Le rejet d’une quelconque pensée occidentale est d’ailleurs de rigueur.
Aussi, avec une gestion de la crise sanitaire inégalable, la Chine affirme sa place de « super-puissance ». Avec 4 636 morts officiellement déclarés, la Chine peut se féliciter de sa politique sanitaire face à la crise de Covid-19. Un recul est cependant à adopter quant aux chiffres communiqués par le gouvernement chinois en raison de l’opacité de la diffusion des informations. Cependant, si ces déclarations étaient fausses, elles resteraient inférieures au nombre de morts de tout autre pays.
Ce succès est également à jumeler au rebond économique remarquable qu’a effectué la Chine suite à une chute brutale de son PIB. En 2020, la Chine a alors été le seul pays à enregistrer une croissance de +2,3%. Le dépassement du PIB américain par la Chine est, selon les prévisions, à prévoir pour 2028. La Chine a déjà affirmé ce dépassement de la puissance américaine lors du carton au box-office du film « La bataille du Lac Changjin » qui se déroule pendant la guerre de Corée, lors de laquelle les Chinois battent les Américains. Ce film offre encore un récit « à la chinoise » et atteste d’une obsession patriotique.
Par ailleurs, la Chine est en passe d’inverser partiellement les rapports de forces militaires. Les techniques mises en place par la Chine sont novatrices, étant donné que les missiles hypersoniques et les tests de missiles n’ont pas, jusqu’alors, été mis en place par les États-Unis. Bien que la supériorité des États-Unis soit encore d’actualité, la Chine a désormais la capacité de frapper le territoire américain à tout moment.
Toutefois, certains chercheurs tendent à penser qu’un courant « effondriste », proche du « collapsing » prévoit l’effondrement de la Chine et de son système actuel. Selon Gordon Chang, la Chine n’est en réalité qu’un « dragon de papier ». Les ouvrages de David Shambaugh, publiés en 2015 s’inscrivent dans la même analyse, et même si un effondrement total parait difficile à croire, des facteurs de risques et des vulnérabilités sont identifiables.
II. Les défis extérieurs
Bien que la Chine soit économiquement présente partout cela ne signifie pas que tous les territoires sont enclins à cette omniprésence chinoise, voire à cette « occupation ». Des territoires affichent dès lors des résistances à cette expansion sans limite. La Chine a largement profité de cette « mondialisation heureuse » mais le paradigme a changé et un phénomène de « dé-mondialisation » et de résistance, tant nationale qu’internationale, se met progressivement en place. La montée en flèche de certains pays, concurrents directs de la Chine, s’intensifie et la diplomatie des « loups-guerriers » n’a fait qu’aggraver l’isolement de la Chine. La Russie se trouve cependant épargnée de cette dynamique.
De plus, l’essor d’un souverainisme et d’un protectionnisme des grandes puissances occidentales est observable. Une prise de conscience et des contre-mesures tentent alors d’être appliquées afin de contenir le dragon chinois. Concrètement, ces mesures ont pour volonté d’avoir des répercussions politiques et commerciales. Des « coups de freins » ont par exemple permis de lutter contre l’expansion des entreprises chinoises aux États-Unis. Cela a notamment été le cas pour Huawei, géant de la télécommunication considéré comme une menace pour la sécurité nationale. Les États-Unis ont par ailleurs interdit dès 2019 la vente de technologies comme celle de puces électroniques ou encore des systèmes d’exploitation Android. La chute d’un tiers du chiffre d’affaires de Huawei ne s’est pas fait attendre et a eu pour conséquence sa rétrogradation brutale dans la téléphonie. Xiaomi, une entreprise militaire communiste chinoise, devrait rapidement subir le même sort que son concurrent.
Les autorités boursières américaines se sont également arrangées pour faire retirer de la bourse 35 entreprises chinoises. En juillet 2021, la Securities and Exchange Commission (SEC) impose des règles de transparence pour toute entreprise chinoise qui souhaite s’inscrire à la bourse. Les conséquences sont colossales et la perte de valeurs des entreprises chinoises entre janvier et septembre 2021 s’élève à 1000 milliards de dollars. Un rejet total des entreprises chinoises sur le marché américain se met en place.
Qualifiée par les européens de « rival systémique », l’Union Européenne a désormais pris conscience des enjeux et des menaces que représente la Chine pour son propre modèle. La question de la persécution des Ouïgours au Xinjiang a largement envenimé les questions relatives aux droits de l’Homme et fut qualifiée de « crime contre l’humanité » en décembre 2020. Par la suite, quatre dirigeants chinois furent privés de leurs visas et leurs avoirs ont été également gelés. C’est de manière automatique, presque calculée, que la Chine passe aux représailles. Elle sanctionne alors dix personnalités européennes, dont Raphaël Glucksmann, et censure des fondations européennes, des instituts de recherches et des sous-comités des droits de l’Homme. La voix de Raphael Glucksmann n’est cependant pas la seule à s’élever pour défendre les droits de l’Homme. Le chercheur Adrian Zenz dénonce, lui aussi, une théorie du génocide démographique et culturel des Ouïgours. Cette crise diplomatique a bien entendu eu de lourdes répercussions au niveau commercial et en mai 2021, l’accord global sur les investissements entre l’Union Européenne et la Chine fut suspendu. Cette décision ne fait qu’intensifier les tensions entre les deux puissances.
Aussi, une réorganisation de la Global Supply Chain est à prévoir. En d’autres termes, des entreprises occidentales décident progressivement de délocaliser leur production de Chine au profit de l’Inde, qui pourrait devenir la future usine du monde. Même si ce changement ne sera pas radical, les multinationales occidentales savent que la clé de la réussite se trouve dans la diversification de leurs zones de production.
De manière rapide, et consciente de cette nouvelle dynamique, la Chine s’organise. En effet, Xi Jinping élabore la théorie de la double circulation. L’économie chinoise ne doit plus dépendre de ses exportations et doit se focaliser sur le développement de son marché intérieur. La demande est grande et cette théorie apparait prometteuse. En raison de son autosuffisance sur le plan technologique, la Chine souhaite ainsi découpler les économies. L’objectif européen et américain est par conséquent de réduire leur dépendance par rapport à l’économie chinoise.
Au-delà des aspects purement économiques, la Chine a dû également séduire par sa culture et sa politique. Toutefois, aujourd’hui cette technique semble obsolète et les Américains réduisent drastiquement le nombre d’instituts Confucius sur leur territoire. En 2019, les 110 instituts présents sont passés à une trentaine et ont été rebaptisés « instituts diplomatiques ». En Norvège ainsi qu’en Suède les instituts ont connu le même sort et en Belgique, deux instituts ont aussi fermé. Enfin, la ministre allemande de l’éducation et de la recherche a précisé qu’elle ne voulait pas « que le gouvernement chinois influence notre société et nos universités ». Elle souhaite d’ailleurs dédier un budget entier à la création d’une « expertise indépendante » sur la culture chinoise.
En dehors des pays occidentaux, cette tentative de containment de l’expansion chinoise est aussi observable dans l’axe Indopacifique. Ainsi, les États-Unis, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud et l’Australie tentent à leur tour de contrecarrer les Nouvelles routes de la soie, terrestres ou maritimes. La volonté de maintenir une liberté de circulation est la principale préoccupation et plusieurs puissances soutiennent cette initiative. Ainsi, l’Union Européenne a récemment montré son attachement à la liberté de circulation dans le détroit de Taïwan tout comme l’Allemagne qui a symboliquement traversé le détroit. Joe Biden ne cache pas non plus son soutien à l’île de Formose et souhaite même la faire participer de manière significative aux Nations Unies. En outre, suite à l’affaire des sous-marins, un nouveau partenariat, AUKUS, voit le jour le 15 septembre 2021 et réunit l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis. Ce nouveau pacte de sécurité permet alors le transfert des technologies de sous-marins par les États-Unis à destination de ces nouveaux partenaires et permet de montrer à la Chine que des puissances sont présentes dans la région.
De manière plus globale, une véritable course aux armements se joue en Asie, notamment chez les pays voisins. L’Inde, le Japon ou encore de la Corée du Sud se sentent menacés par la puissance chinoise et les risques des conflits frontaliers ne font que s’intensifier. Les principales tensions concernent donc le conflit indo-pakistanais et la revendication de la région du Jammu-Cachemire, au nord de l’Inde ainsi que le plateau Aksai Chin à la frontière indo-chinoise. L’épineuse question des îles Senkaku revendiquées tant par la Chine que le Japon. Ou enfin, la disposition de missiles par la Russie à la frontière chinoise.
Par ailleurs, la Chine s’attelle depuis longtemps à conquérir le continent africain. Toutefois, cette alliance « ChinAfrique » tend à être remise en cause. Au gré des élections politiques, des changements s’observent. C’est notamment le cas de la Zambie, riche en cuivre dont les exploitations ont été rachetées par de nombreuses entreprises chinoises. Suite aux élections d’août dernier, le nouveau président souhaite dorénavant rompre avec les logiques « chinafricaines » et redresser le pays, plongé dans une crise économique depuis que les investissements chinois gangrènent le pays.
La République Démocratique du Congo se trouve aussi dans une position similaire. Des contrats miniers avaient notamment été passés pour l’exploitation de cobalt et d’or. Cependant, l’élection de Felix Tshisekedi en janvier 2019 a remis en cause la « lune de miel » avec l’ancien président, Joseph Kabila alors que le nouveau président a bien « l’intention de vérifier l’état réel des ressources minières ». Il est donc entendu que la Chine aurait mis la main sur des zones plus riches que celles officiellement déclarées. Une enquête de transparence va alors être menée sur la véritable teneur en minerais des zones exploitées.
Au-delà d’un problème de transparence, les entreprises chinoises en charge de ces exploitations ne seraient pas déclarées. Un haut responsable chinois a d’ailleurs écrit un tweet afin de dénoncer les opérations de certaines entreprises chinoises. Cette autocritique témoigne d’un changement dans la politique chinoise et montre l’ampleur des problématiques posées en Afrique. Certaines entreprises chinoises avaient aussi été visées dans un documentaire réalisé par Alain Foka qui titrait : « En finir avec la traite négrière en Afrique ». Ces théories ont été reprises par Denis Mukwege qui dénonce lui aussi un esclavage dans les mines.
Le Sri Lanka est également un cas intéressant. Après avoir détenu des relations privilégiées avec la Chine notamment lors de la guerre civile en 2009 et suite à de lourds prêts pour aider le pays, le Sri Lanka n’a pas été capable de rembourser ses dettes. En dépit de ce remboursement, la Chine a depuis pu jouir de certaines infrastructures, en particulier de deux enclaves portuaires. Cependant, pour pallier à cette présence chinoise et ne pas s’enfermer avec un seul partenaire, le Sri Lanka a récemment autorisé un investissement indien dans le port de Colombo. Le pays opte alors pour un rééquilibrage qui se joue désormais dans l’espace portuaire. De même, en Europe, la Hongrie s’érige contre l’influence chinoise et cela a notamment été le cas à Budapest lorsqu’un campus chinois eut pour projet d’ouvrir. Bien que soutenu par le président V. Orban, c’est finalement le maire de Budapest et la jeunesse hongroise qui dénoncent le projet. Fort de son détachement vis à vis de la Chine, celui-ci est allé jusqu’à rebaptiser le nom de certaines rues : « L’avenue de Hong-Kong libre » a ainsi vu le jour en soutient à la ville des droits de l’Homme. Enfin, le Monténégro offre lui aussi une vision particulière de la Chine dans les Balkans. Une tournée chinoise avait été organisée en Albanie, en Serbie ou encore en Grèce et cette zone fut qualifiée par les Chinois de « faible » car trop peu intégrée à l’Union Européenne. Le Monténégro a alors demandé à la Chine de financer une autoroute jusqu’à Bar, principal port en eau profonde aux Balkans. Après avoir accepté, le Monténégro se trouve dans une posture similaire à celle du Sri Lanka car le pays n’a plus été capable de rembourser ses dettes. La Chine a ainsi pu récupérer le port et l’autoroute. Le Monténégro a finalement demandé de l’aide aux banques européennes pour ne plus être étranglé par la diplomatie de la dette chinoise.
III. Les défis intérieurs
Mis à part ces défis d’ordre extérieur, la Chine doit également faire face à différentes difficultés sur le plan intérieur. Celles-ci pourraient en effet remettre en cause les prévisions les plus optimistes quant à l’avenir du pays. De fait, la Chine doit impérativement y répondre pour espérer atteindre ses objectifs.
Le principal défi de la Chine réside dans l’aspect démographique. L’année 2021 représente d’ailleurs un point de bascule puisque, pour la première fois depuis les années 1960, la croissance démographique de la population chinoise a été négative. Pour Guillaume Giroir, on pourrait ainsi assister dans les prochaines années à ce que certains démographes surnomment « population crash » : ce terme englobe les effets conjugués du survieillissement de la population, et de l’effondrement du nombre de Chinois. Selon South China Morning Post, d’ici 45 ans, la population chinoise sera en effet divisée par deux, soit composée d’environ 700 millions de personnes. De la même manière, le vieillissement en Chine est massif : en 2050, environ 35 % de la population sera âgée de plus de 65 ans.
Historiquement, la Chine a basé son modèle de développement autour de cet atout démographique. Si ces prévisions se réalisent, elles risquent donc de provoquer un véritable crash économique. Tandis que la population active diminue largement, la part de personnes âgées ne cesse d’augmenter face à l’amélioration de l’espérance de vie. Ce phénomène est d’autant plus inquiétant qu’en Chine, la solidarité familiale est essentielle : les enfants doivent impérativement assister leurs parents, grands-parents, voire arrières grands-parents. Cela entraîne forcément une pression psychologique, mais également financière.
Selon Guillaume Giroir, les autorités chinoises doivent ainsi repenser leur modèle, pour espérer surmonter ce défi démographique. Les priorités ne doivent plus s’axer uniquement sur la productivité et la croissance, mais s’orienter également vers des réflexions d’ordre social. Un système d’Etat providence permettrait ainsi de mieux soutenir les personnes âgées et, de fait, de décharger les populations actives.
Le second défi auquel la Chine doit commencer à faire face concerne indirectement cette problématique démographique. Au niveau économique, la Chine voit en effet son taux de croissance du PIB diminuer depuis 2010. Selon les projections, ce taux de croissance est forcément appelé à baisser, à l’image de toutes les économies mûres. Néanmoins, la situation est quelque peu différente : si le PIB chinois est amené à dépasser celui des Etats-Unis, cet indicateur ne permet néanmoins pas de mesurer la différence de développement entre les deux puissances. Si l’on observe le PIB par habitant, la Chine est en réalité un pays à revenu intermédiaire, dont la population peine à atteindre des revenus élevés. A cela s’ajoute ce qu’Arthur Lewis appelle le « point de retournement » : depuis 2013, la population active chinoise diminue. Grâce à la raréfaction de celle-ci, les salaires tendent à augmenter. Néanmoins, cela contribue également à rendre la Chine moins compétitive, rendant finalement le passage de pays intermédiaire à pays riche plus complexe.
Si la Chine a connu un rebond post-épidémique, les crises récentes des secteurs immobiliers et énergétiques nuancent cette tendance. Guillaume Giroir évoque notamment le cas de la faillite d’Evergrande, numéro deux de l’immobilier chinois. Ces dernières années, la Chine a fait reposer sa croissance sur le secteur immobilier à une hauteur de 30 %. La crise d’Evergrande entraîne forcément des réactions en chaîne : selon une étude américaine, environ un tiers des entreprises immobilières chinoises se trouvent dans une situation semblable. Si d’un point de vue statistique la crise immobilière semble encore relative, elle a pourtant de forts impacts locaux. On peut notamment évoquer le cas des villes fantômes, ayant été construites, mais qui sont aujourd’hui à l’abandon. Ces projets se sont révélés être de véritables gouffres financiers pour Evergrande, et leur destruction engendrerait de nouveaux coûts supplémentaires. Finalement, les autorités tentent de dégonfler progressivement la bulle immobilière : alimentée par la spéculation, l’explosion de cette bulle pourrait provoquer une déflagration importante pour l’économie chinoise.
Enfin, le dernier enjeu auquel la Chine doit faire face est d’ordre environnemental. Les changements climatiques se manifestent largement dans ce pays, à travers différents phénomènes naturels : inondations catastrophiques de certaines villes, élévation du niveau de la mer dans les plaines deltaïques, fonte des glaciers tibéto-himalayen… L’augmentation de ces évènements d’origine naturelle s’explique entre autres par le dérèglement climatique important du pays. Malgré ses efforts, la Chine reste le 1er pollueur de la planète. Les pollutions de l’air et de l’eau sont d’autant plus inquiétantes qu’elles entraînent des conséquences sanitaires importantes pour les populations. Les teneurs en soufre et en particules fines sont extrêmement élevées, et augmentent les risques de cancers des poumons. De la même manière, les mers, golfes et estuaires sont complètement pollués, pouvant être toxiques simplement au touché.
Depuis plusieurs années, la Chine tente d’établir certaines politiques, afin de pallier ce phénomène. Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler que ce rang de 1er pollueur mondial ne prend pas en compte l’importance de la population chinoise : en réalité, si l’on raisonne par habitant, chaque Chinois est un relatif émetteur de pollution. Néanmoins, vu qu’ils sont extrêmement nombreux, cela prend des proportions incontrôlables. Afin de répondre à la demande sociale et pour servir son image à l’international, la Chine essaye d’entamer une transition profonde de son système énergétique. Si les investissements pour les énergies renouvelables sont massifs, la Chine peine à concrétiser ses ambitions en matière de climat, comme l’indique la surproduction de charbon actuelle. De même, si l’on assiste à une diminution de la pollution dans certaines villes, à l’image de Pékin, cela s’explique simplement par la délocalisation. En effet, les autorités ne font que déplacer les usines polluantes dans les provinces voisines, reportant ainsi le problème spatialement.
Au final, la Chine semble encore loin d’avoir réglé ses défis démographiques, économiques et environnementaux. Chacun de ces éléments s’imbriquent, pour créer de nouvelles problématiques auxquelles la Chine doit également faire face. Guillaume Giroir évoque notamment l’aspect de l’autosuffisance alimentaire. Face à une population extrêmement nombreuse et un pays qui a fait de l’industrie son moteur de croissance, les autorités doivent désormais répondre à cet enjeu. Les dérèglements environnementaux rendent encore plus complexe la situation, au vu des conséquences inévitables de la dégradation des sols et des eaux sur l’agriculture chinoise.
Pour conclure, Guillaume Giroir revient sur sa théorie des deux cycles, pour l’appliquer au cas de la Chine. Dès l’année 1978, le pays est entré dans une forme d’âge d’or économique, que le chercheur associe à un cycle ascendant. Le PCC n’est pas le seul responsable de cette réussite. Néanmoins, le processus de rattrapage a été bien géré par le régime, avec notamment le coup de maître que représente l’entrée dans l’OMC en 2001. Pourtant, depuis 2010, les signaux négatifs se multiplient, laissant présager un potentiel cycle descendant dans les années à venir. Cette période de transition de cycles est marquée par de nombreuses incertitudes, un durcissement idéologique ainsi que des turbulences.
Guillaume Giroir se questionne ainsi sur l’avenir de la Chine, estimant que le cycle ascendant de 1978 laisse progressivement place à un déclin inévitable. Pour justifier cela, il s’appuie essentiellement sur les défis extérieurs, qui pourraient à terme freiner l’expansion de la Chine. De la même manière au niveau national, de nombreux enjeux sont susceptibles de mettre à mal le modèle de développement du pays.
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