Billet d'humeur : La Chine, une puissance globale en devenir ?
- Cassandre Yahaya
- 25 janv. 2021
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 juin
Xi Jinping, secrétaire général du Parti communiste chinois depuis 2012, a annoncé en 2017 sa volonté de faire de la Chine une puissance globale d’ici 2050. La question est maintenant de savoir s’il a les moyens d’atteindre cette volonté. Mais au-delà de la capacité ou non de la Chine à atteindre le rang d’une puissance, est-il souhaitable que cela soit possible ?
Par « puissance globale », on entendra ici, un État qui se distingue d’une part, par son poids territorial et démographique mais aussi par les moyens dont il dispose pour s'assurer d'une influence durable sur toute la planète en termes économiques, culturels, militaires et diplomatiques. Et effectivement, nous savons que le budget militaire de défense de la Chine est en pleine expansion allant jusqu’à concurrencer les Etats Unis. L’inauguration de la base chinoise à Djibouti en 2017 illustre une nouvelle stratégie de « défense active ». Par ailleurs, la puissance de la Chine s’articule aussi autour de son soft power grandissant. Les JO et l’exposition universelle en 2008 et 2010 en sont l’illustration parfaite. En effet, même si des incidents se sont produits, la Chine en est ressortie avec une bonne image sur la scène internationale. La Chine développe aussi énormément les Instituts Confucius qui servent à la promotion linguistique de la Chine dans le monde. Pour finir, la Chine a des ambitions diplomatiques de plus en plus fortes. Dans cette optique, elle dépense beaucoup d’argent pour renforcer sa diplomatie. Aujourd’hui, la Chine est le deuxième pays en termes de nombre de représentants politiques sur la planète. Poursuivant cette volonté, la Chine a multiplié les forums. Par exemple, l’année dernière, c’est un chinois qui a été élu à la tête de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et la nourriture). Pour finir, ce dynamisme politique est d’autant plus important qu’il s’oppose à un relâchement de la part de beaucoup d’autres pays qui, à l’inverse, resserrent les budgets et réduisent de fait leurs représentations.
Néanmoins, du point de vue de la diplomatie avec d’autres puissances, nous pouvons estimer que la volonté de Xi Jinping de faire de la Chine une puissance globale sera très difficile à atteindre. En effet, dans un premier temps, Xi Jinping va s’heurter à l’impossibilité d’unir son territoire - ou tout du moins ce qu’il considère comme son territoire. En effet, Xi Jinping veut un retour de la splendeur de l’Empire chinois. Cette volonté va de pair avec une unité territoriale. Or en ce qui concerne Taiwan même si elle reste dans le giron chinois, on ne peut imaginer une rétrocession de Taiwan à la Chine. Aujourd’hui, la majorité des taiwanais ne sentent plus chinois. De plus, l’indépendance de Taiwan a été reconnue par la communauté internationale ce qui ne laisse pas la possibilité d’imaginer une prise de Taiwan par la force de la part des chinois sans une intervention des autres puissances. Par ailleurs, les puissances étrangères restent méfiantes face à la Chine malgré les efforts diplomatiques et le soft power grandissant. Depuis 2018, on peut presque parler aux Etats Unis d’une psychose antichinoise. De son côté, l’Australie, la principale puissance dans le Pacifique Sud, s’oppose aux entreprises chinoises comme celle de Huawei. Ainsi, la diplomatie chinoise demeure très questionnée révélant les failles de cette stratégie. Par exemple, au début de la pandémie, la Chine a mis en place une « diplomatie du masque » qui n’a pas eu les effets escomptés. Ces derniers ont fourni des masques tout en ayant des prises de positions et des commentaires très mal reçus en Europe.
D’un point de vue humain, il est souhaitable qu’aujourd’hui, un autre élément essentiel pour se hisser au rang de puissance globale soit un impératif de « bonne » moralité. Alors oui, on parle ici d’une moralité européenne découlant tout droit d’une « moralité chrétienne » manichéenne. Mais de fait, on peut estimer -ou choisir d’imposer- le respect des droits fondamentaux humains comme une valeur morale universelle. Dans cette optique, la Chine - tout comme les autres puissances, mais ce n’est pas le sujet – devrait être garante du respect des droits fondamentaux humains et du droit international pour permettre son avènement sur le plan mondial. Or, après être restée longtemps silencieuse, la communauté internationale (sous pression de la société civile) commence à se réveiller au sujet des persécutions perpétrées par les autorités chinoises sur les populations musulmanes ouïghoures. D’ailleurs, les Etats-Unis et le Canada ont employer des termes forts tels « génocides » et « camps de concentration » pour qualifier les faits. Ainsi, la Chine entache – voire détruit - son image à l’internationale, image déjà récemment abîmée par sa gestion des différentes crises et sursauts populaires démocratiques. Dans ces conditions, il serait donc éminemment problématique de voir la Chine accéder au rang des puissances globales.
Leblanc, Claude. 22 octobre 2020. "Regard sur l'Asie". Cours Regard sur l'Asie. Lille : Université Catholique de Lille.
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